Habiller et couvrir de terre

 

Réfléchir sur le territoire, sur le patrimoine, sur l’histoire locale est l’une des pratiques qu’un artiste plasticien aime à investir avec une sensibilité sans réserve, propre à cette profession.

L’artiste peut donc s’engager dans des champs d’application souvent très vastes qui vont du scientifique à l’humour et la dérision en passant par le détournement de la matière, de la forme et du sens. C’est dans cet esprit que l’artiste japonaise Akiko Hoshina travaille la terre.

Dans la démarche usuelle d’Akiko Hoshina le tactile est indissociable de son geste dans la pratique de la terre. Ses mains caressent et flattent la terre, la malaxent, l’aplatissent, l’étirent et la roulent pour lui faire épouser les formes les plus incongrues comme les plus classiques. Akiko Hoshina poursuit ses investigations lors de sa résidence au musée départemental de la Céramique à Lezoux, le centre de production antique de céramiques sigillées. Après avoir analysé la production locale et observé la technique de cette fabrication Akiko Hoshina s’accapare celle-ci pour faire de ce savoir-faire -qui remonte à l’Antiquité romaine et qui permettait déjà l’édition de « poteries » à la couleur proche de la brique rouge- son moyen d’expression artistique.

Par l’entremise généreuse du potier Gérard Morla, spécialiste en répliques d’anciens modèles de sigillées et qui possède son atelier à Lezoux, Akiko Hoshina s’est servi des moules de celui-ci, aux motifs antiques en creux, ainsi que de son engobe pour interroger non seulement la technique et la forme mais aussi mettre en émoi sa démarche artistique. Cette résidence exprime complètement les recherches d’Akiko Hoshina qui retrouve des gestes traditionnels et aussi archaïques pour ensuite transcender la matière fonctionnelle en matière sculpturale. Ainsi elle offre à l’argile une sensualité qui est révélée par une écriture qui s’établit entre le choix pertinent de la forme, avec le récipient, qui est son modèle, et cette « végétalisation » qu’elle élabore par des accumulations composées d’une multitude de petits colombins pressés et dressés les uns à côté des autres et sur les autres.

L’expérimentation est un élément dynamique pour la créativité. Il faut donc faire des recherches et tendre vers un dépassement de soi-même par le geste et le sens. La technique de la sigillée est un exemple dans l’évolution de la production de la céramique puisque, grâce au moule, il était déjà possible de faire de la grande édition et donc de la diffusion. Une résidence est un moment parfait pour aborder les expériences et Akiko Hoshina le sait. Elle confère à la terre la fonction de motif qui ondule jusqu’à envahir les sigillées avec des brins d’herbe et de fleurs qui, après cuisson, deviennent des lignes ornementales aux silhouettes végétales. 

Est-ce que la terre interrogée et ainsi domptée semble redevenir matière pure ? La réponse est évidente : la terre issue de la terre reste terre et c’est aussi cela la démarche artistique d’Akiko Hoshina.

 

Akiko Hoshina, avec cette immersion dans la sigillée lézovienne, propose une expression plastique qui interroge avec précision l’histoire et un savoir-faire historique tout en élaborant une série de sculptures dans une matière actualisée.

 

Yves Sabourin

Commissaire d'exposition,
Inspecteur de la création artistique

Collège arts plastiques
Direction générale de la création artistique

Ministère de la culture et de la communication